[...] Un jour, il faudra bien que j'arrive à maîtriser mes envies de disparition. D'isolement soudain, comme ça, juste pour le plaisir de couper les ponts [de singe]. C'est branlant tout ça. J'ai horreur d'avoir des "obligation amicales" (tu sais, tout ce fatras qui consiste à dire bonjour/ aurevoir, à donner/ prendre des nouvelles de temps en temps, assez souvent mais pas en permanence, à parlotter régulièrement pour ne pas perdre Le Contact, à se voir, à s'accorder des gestes de tendresse en dosant correctement). C'est insupportable. J'aime me transformer en courant d'air pendant quelques semaines, puis soudain envoyer une lettre innatendue et qui ne rime pas à grand-chose. Et les gens s'énervent - c'est normal: pendant mon absence, ils s'inquiétaient, ils lançaient des appels auxquels je ne répondais pas; et juste au moment où ils lâchent le morceau, je leur déboule dessus. C'est peut-être pour ça que j'aime tellement T. Quand j'ai envie de ne pas être là, on bien l'inverse, elle l'accepte.
Somme toute c'est un comportement très égoïste. C'est modeler l'amour des autres à mon gré - involontairement, les secouer pour qu'ils lâchent un peu prise. Et généralement, on me pardonne à chaque fois, après un règlement de comptes où je fais mine d'écouter et d'approuver, penaude.
Je ne sais pas avoir de relation continue avec les gens. Il faut toujours que ça cahote, que je parte, que je revienne, que je m'éclipse, que j'hésite, que je mente (oui, je t'appelerai ce soir, oui oui, je t'enverrai une lettre la semaine prochaine, et puis ce mail promis depuis un mois, mince ça fait déjà un trimestre que je t'ai dit "au revoir"? Il faudrait peut-être qu'on voit ça, je débloquerai demain, ou mercredi, ou le week-end, c'est mieux.) Et on continue à patiner, et la valse des gens auxquels on aimerait donner des bouts de soi s'amenuise: quand on les sollicite, ils sont redevenus des inconnus. Du gâchis en conserve.
Ma mère dirait que c'est parce que je suis gémeaux.
à 03:09