Un de ces derniers soirs, la porte s'ouvre un peu précipitamment [je sais, ça ressemble à un début d'histoire, mais ça l'est un peu]. Quelques pas dans l'entrée, je sais bien reconnaître les pas des gens, ceux-là appartiennent à mon père. Ils sont assez légers et très réguliers.
Paf paf. Pieds parquet. On le voit émerger. Il a son manteau gris et son sac noir. Il tremble un peu, la main qui serre la poignée du sac est plus raide, il est plus voûté, comme quand il attend quelque chose. Le côté gosse sans doute, qui veut tellement son jouet qu'il en palpite d'impatience.
"- Alors, y a des images? Des photos?"
Je lève les yeux, aussi perplexe qu'il est brillant d'attente. "De quoi?"
"Y a pas de photos? Pas d'images?" (comme si la négation changeait quelque chose à sa phrase). Il ne pose ni son manteau ni son sac. Il a un regard un peu perdu, noyé dans la pièce, qui ne fixe sur aucun meuble mais divague autour d'eux, à la recherche de quelque chose d'autre. Il entre dans le salon, c'est vraiment bizarre, cette démarche de petit vieillard qui a vu la lumière.
"Des photos de quoi?"
"Mais de Titan!"
Il a crié ça comme une évidence. Debout dans le salon, avec son sac que sa main s'acharne à triturer, à malaxer nerveusement. Je me suis dit qu'il avait du attendre toute la journée pour pouvoir crier ça.
Pour un peu je lui aurais montré le ciel du doigt en expliquant "C'est là", mais il y avait le plafond, et une araignée qui jouait à la marelle dessus.
[Il n'a pas bien compris que je ne trouve pas ça extraodinaire]
à 15:27