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"Master Misery"

C'est vrai que tout a un goût d'avant-dernier. Pas de dernier, pas encore: parce que le dernier, c'est l'ultime, ce dont on ne peut pas profiter tant l'imminence de la fin est proche. Je ne sais même pas si les condamnés sentent le goût de la cigarette qu'ils ont le droit de fumer: parce que ce n'est plus du tabac qu'ils fument, mais de la vie.

Le goût d'avant-dernier est plus subtil. C'est comme si tout le sucré se teintait d'une sorte d'amertume; comme si, en plein abondance, on avait conscience de la misère.

Je n'ai pas pris la photo de classe de Terminale. Il parait que je vais le regretter; ma prof d'espagnol dit que les photos de classe, on les aime tous un jour ou l'autre, qu'on les ressort pour rire un coup en voyant nos habits, nos cheveux, qu'on les montre à nos amis. On ne souvient plus du nom des gens mais des petits détails insignifiants nous reviennent à l'esprit : une remarque drôle en plein cours, une anecdote, un tissu de souvenirs qu'on arrache parce qu'on veut toujours dormir avec toute la couverture. Il parait que dans quelques années, je me maudirai d'avoir rayé comme ça tout un pan d'année. Mais je n'aime pas les photos, encore moins celles où tout le monde se tient très droit en souriant. Les photos de classe ont le goût de dernier, justement; et je ne suis pas un condamné à mort, je n'ai donc pas besoin de dernière cigarette.

***

J'ai sorti mon papier-lettre, celui avec des espèces de dessins de Matisse en haut des feuillets. Je ne l'ai jamais utilisé. Il m'a toujours paru trop pédant, trop fin, trop ciselé pour convenir à un échange. Ca me trouble un peu, cette lettre qui s'impose déjà en elle-même, à travers le papier plus qu'à travers les phrases que je pourrais écrire dessus. C'est comme si le papier hurlait "Je suis une lettre! Eh t'as vu, je suis une lettre!" ; et le destinaire et l'émetteur peuvent bien aller se faire voir ailleurs, puisque la lettre existe déjà, s'impose, se rengorge.
Je l'ai acheté un jour d'hiver, ce papier à lettres. Il n'y a qu'en d'hiver qu'on fait des idioties pareilles. Il brillait un peu à travers la vitrine d'une petite librairie; j'ai trouvé ça attirant, ce bleu ce blanc en haut de la feuille. Ca devait être un de ces jours d'hiver très sales où les phares des voitures remplacent la neige, en plus jaune évidemment. J'avais les mains dans mes poches, la bouche dans mon écharpe, et le papier à lettres semblait me narguer, se faire la promesse d'un jour où le paysage ressemblerait vraiment à un tableau de Matisse.

J'ai des lettres à écrire.

Ecrit par Kohva, le Jeudi 19 Mai 2005, 01:15 dans la rubrique "".


Commentaires :

  ac-col-ade
ac-col-ade
23-05-05
à 21:27

Nous, notre photo de classe, d'un côté il y a un paquet de gens entassés n'importe comment, et de l'autre côté il y a un tas par terre en train de faire l'escargot. Je l'ai prise pour pouvoir me rapelelr des quelques gens que je n'ai pas envie d'oublier mais que je sais bien que j'oublierai quand même.

  fabienland
fabienland
26-05-05
à 14:37

Je n'ai qu'une photo de classe, celle de première je crois. Je passe mon temps à l'égarer, la retrouver, l'égarer, au gré des déménagements..Sur cette photo, je suis le seul a ne pas regarder l'objectif. Pourquoi ? j'essaie de penetrer la photo, de réinvestir mon corps et mon esprit d'alors pour comprendre. Mais c'est dur, c'est loin, sans importance sans doute...Je regarde ces autres, celles et ceux qui ont partagés, plus ou moins, une, deux ou trois années de lycée avec moi. Que sont ils devenus ceux avec qui nous nous etions promis une amitié et parfois un amour internels ? Est ce que parfois j'occupe un peu leurs pensées aussi ? Que font ils, ces amis d'alors dont je peine à me souvenir...

Fabien