Quelque chose de doux s'est tissé entre nous. Hier un Enfant Vert me ramenait en voiture. On est passé devant la Tour Eiffel mais elle était éteinte, comme un jouet qu'on réserverait pour la journée. Pour un peu je me serais endormie. J'ai trouvé des gens doux. Dont la douceur fait comme un pont entre le reste du monde et moi. Quelque chose dans leurs paumes donne envie de leur lire les lignes de la main pour leur annoncer des destins divins.
Je me demande pourquoi j'ai fréquenté pendant tant d'années de gens qui faisaient souffrir. Interessants, peut-être, grandioses - quelques-uns. Et beaux comme les quarts-de-dieux qu'ils étaient, marchant dans les rues avec la certitude que jamais le monde ne leur ferait défaut. Ou alors, si le monde leur faisait défaut, il leur restait toujours le plus précieux : le grand genre, l'aptitude à ne jamais être seul.
Ou pas entièrement seul.
J'ai connu des gens qui, pour une raison qu'ils ne voulaient même pas expliquer, vous quittaient comme ça. En passant au marché vous déposaient parmi les choux en attendant qu'on vous reprenne. Car il y aura toujours quelqu'un pour vous reprendre. Des gens qui faisaient tout un discours sur la douleur de l'éloignement, et après avoir bien lyrisé il ne restait plus rien. Ou du vide, un étalage rempli de ce qu'ils n'avaient pas donné.
Quelque chose de doux, hier, dans cette voiture qui roulait feux allumés devant la Tour Eiffel éteinte. Quelque chose de précieux de trouvé, de pas perdu.
Le perdu, c'est le temps passé à aimer des gens qui nous ont broyés en tout petits morceaux de petits morceaux, et qui sont partis en nous vomissant dans un coin (parce que pour vous extirper de leur ventre, ils ne voyaient que le vomissement). Dans le regard des mes Enfants Verts, je vois la certitude qu'on n'abandonne jamais un autre sans lui parler comme à une personne. Ca change tout. Quelque chose de doux, j'ai dit.
à 20:47