Virgules
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Géographie du Père
Je suppose que c'est un tourment universel, celui des pères et des filles. Condamnés au silence, aux bévues, aux mots de passe oubliés pour ouvrir l'autre.
Quand mon père mourra, je ne le connaîtrai pas, et ça m'embête un peu. Quand il mourra, je me souviendrai qu'il savait parfaitement lire une carte, qu'il aimait les randonnées en solitaire, les plus longues possibles, qu'il était astrophysicien, qu'il lisait de l'épistémologie avant de dormir le soir, qu'il tapotait la tête de ses enfants, et ce sera le trou noir.
Tous mes souvenirs seront avalés et les stéréotypes naîtront, eux qui sont déjà là.
C'est déjà le trou noir, en fait: quand je pense à lui, je ressens une sorte de vide s'ouvrir, un néant plein de son nom de famille et de ses éternels secrets. Papa ne dit rien mais il est intelligent, trop même, alors il doit penser ce que nous ne pensons pas, penser les pensées trop lointaines d'un hémisphère Colombien inaccessible aux autres... et à nous.
Alors pour tenter de sauver le vide, je dessine une géographie de Papa, une carte qui indique ses champs magnétiques et qui nivelle ses obscurités. Comme ça, un jour, je pourrai m'y retrouver, même dans le silence.
Je la mettrai ici, quand elle sera terminée.
Ecrit par Kohva, le Dimanche 26 Février 2006, 22:40 dans la rubrique "".
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