Crachats d'étoiles

Je me suis rendue compte qu'ici je ne parlais que de ce que le premier filtre de ma conscience (bonjour premier filtre) voulait bien laisser passer. Les autres râlent derrière, tapent du pied, réclament leur liberté d'expression, veulent une part de tribune pour étaler leurs angoisses, leurs petites peurs, leurs infidélités, leurs méprises, leurs malhonnêtetés, leurs tricheries, leurs accidents d'avions et incidents techniques.

En arrière, les tripes.

J'ai plein de vies qui s'entrecroisent. Comme un collectionneur de trottoir. Je ramasse les vies et j'essaie de les coller ensemble. Je mets un peu de tout. Y a des choses qui devraient être uniques qui reviennent plusieurs fois, comme des objets en double, mais jamais pareils. Je les aime, mes doubles. C'est de la surenchère de vie, je sais, tout ça, comme des dizaines d'hommes qui passeraient sur une prostituée, des dizaines de vies qui me passent dessus. J'aggripe tout ce que je peux et il parait que c'est mal d'arracher à ce point alors qu'on a dix doigts de brodeuse avec lesquels on pourrait prendre les morceaux un par un en levant le petit doigt.
Je ne suis jamais bien-pensante, mais au moins j'en suis consciente.

Je pourrais le dire que je l'aime, mais voilà, ça ne convient pas à tous mes filtres. Ils jouent aux syndicats acharnés. Ils protestent et ne se mettent jamais d'accord.

En fait j'aimerais soit faire dans la philo, soit devenir un animal.

Sur mon placard repeint en blanc par mon acharnement pour la nudité , il y a un mosaïque d'images. Elle s'est constituée au fur et à mesure avec des images volées dans les magazines, sur les prospectus, sur les bouts de catalogues. Des images improbables, parce que je n'aime pas l'idée de faire quelque chose d'esthétique (qui serait voué à plaire) ou d'agréable (qui a envie d'avoir un placard agréable? Un placard ça doit être moche, sinon ça distrait les choses qui se trouvent à l'intérieur). Il y a des images tellement petites qu'elle ne font qu'un centimètre sur un; et de loin, tout ce mélange ressemble à un espèce de vitrail cassé et recollé n'importe comment. Un code secret et abscons que mon premier filtre ne pourrait pas censurer faute de compréhension.
Sur ce placard, il y a le masque d'un mort, une femme voluptueuse aux yeux pleins de désir, une autre qui embrasse des monstres, des gens perdus dans le vide, des bariolages, encore du vide, encore un mort, encore des gens perdus, encore des femmes voluptueuses, encore des monstres, encore des couleurs. Finalement ce n'est pas vraiment du hasard.

Un jour j'écrirai un livre avec tous ces mots en gras.


Ne me demandez pas de me contenter du petit sac qu'on vous donne avec une boîte de gaieté à l'intérieur, un ballot de larmes, un bloc de travail, des barres de distractions, et un bonbon d'amour à sucer lentement pour le faire durer. Ou alors il faudrait repeindre le placard, en passant le pinceau imbibé de peinture blanche par-dessus les images elles-même.