La petite fille du voisin s'est accrochée, comme un gros papillon sur une fleur, au grillage qui sépare nos deux jardins, et elle se balançait comme ça, d'avant en arrière, en me regardant gribouiller mes papiers.
J'ai dit en riant: "Tu vas casser le grillage."
"Il l'est déjà. Y a un trou. C'est secret, je l'ai découvert un jour. Mais faut pas le dire. C'est secret. Tu veux voir?"
J'ai fait mine de pas savoir de quoi elle parlait. "Un trou? Non.. Pas possible.. Non.. Je le saurais.."
Ses yeux qui pétillent, ses doigts qui tordent le tissu de ses vêtements, les "mais si mais si j'te dis" répétés avec un petit sourire complice. Puis soudain elle se détache du grillage, elle trottine sur le gazon jusqu'à l'autre bout du minuscule jardin, sorte de no'mans'land entre la ville et moi. Puis elle s'agenouille - tu vas tâcher ma robe ma belle - et elle me montre une déchirure soigneusement cachée derrière la haie. A peine de quoi passer le bras pour faucher quelques brins de muguet en face.
Je m'assois à mon tour sur la terre pour mieux voir. On se regarde bizarrement à travers le fameux trou, les visages dispersés de chaque côté, le reste du corps rainuré par le grillage.
Elle a hoché la tête. "Mais toi t'es grande. Tu pourrais passer au dessus."
Et sinon aujourd'hui, les lampadaires de ma rue étaient allumés à deux heures de l'après-midi. Je sais pas pourquoi, mais ça avait un air de fin du monde.
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