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Lettre à Ch.

"C., il est tôt. On vient de me déposer à l'université en voiture. Ca m'a fait bizarre, je croyais être dans une espèce de charrette de laquelle il aurait mieux valu sauter en marche. Mais si je l'avais fait, j'aurais eu des bleus partout et j'aurais été en retard à l'université - de toute façon, j'ai toujours des bleus partout et je suis systématiquement en retard, et ce sans même sauter de voitures en marche. Je ne vois donc pas pourquoi aller chercher la violence là où elle est inhérente au système de fonctionnement du corps. Les bleus et autres ecchymoses doivent naître de l'intérieur, un peu comme de opo-corns qui éclateraient à la surface de la peau. On finirait par avoir la peau troublée et ridée de l'eau des lacs par les bouches des poissons. Une peau-lac, croupie, jusu'à notre transformation en "bog body". J'attends que les bleus gagnent, émergés du fond des organes. A ce sujet, je suis sûre qu'on nous ment. Je ne sens en moi ni foie, ni vésicule biliare. Tu la sens, toi, ta vésicule biliale? Tu lui dis bonjour le matin? J'ai abandonné l'idée d'entamer une conversation avec la mienne. Elle était atteinte d'un affreux bégayement. J'ai fini par oublier jusqu'à son existence. Quand je tombe sur des planches anatomiques, je redécouvre, stupéfaite, l'hypothèse de ces vésicules souterraines. Je ne sens en moi qu'un long enchaînement d'organes sans nom, une succession de poches de formes différentes chargées, selon l'arbitraire de leur répartition, de broyer, de faire bouillir, de réduire en poussière, de chauffer, de faire fondre, d'homogénéiser ou de solidifier. Bref : une immense machinerie digne de Chihiro [...].

Comment pourrais-je fossiliser, avec cet énorme système auto-alimenté?

On me mettra dans un cercueil, ma peau pourrira mais pas jusqu'au bout, sans atteindre le stade définitif de poussière, parce que les turbines intérieures, en continuant de tourner, maintiendront un semblant de cohésion. Je serai un immense cadavre avec sa machinerie en marche, comme une usine qu'on aurait oubliée d'éteindre et qui produirait matières et déchets qu'elle ingurgiterait aussitôt car nécessaires à son bon fonctionnement.

Peut-être que les hommes vivraient éternellement si, comme cette machine, ils mangeaient leurs propres déjections.

On s'est trompé d'ambroisie.


Je me souviens de l'histoire de ces rugbymens crachés dans les Andes. Ils se pissaient dessus pour se réchauffer. Peut-être qu'en frôlant la mort, ils ont paradoxalement réussi à gagner quelques minutes de vie.

La pisse ne m'a jamais dérangée. En fait la pisse m'intrigue.

L'urine a pour moi cette fascination des choses intimes. Je suis toujours étonnée par l'odeur de l'urine chaude, par le fumet d'ammoniaque qui s'en dégage et qui prend à la gorge. Par la mousse qui la borde quand la pisse des hommes touche la terre, lui donnant un vague air de champagne. Froide et urbaine, elle change de nature même, se vinaigre et s'acidifie jusqu'à rappeler l'odeur des baies rances. C'est la pisse des gares, des ascenseurs, des porches à clochards. Comme un très bon parfum qu'on garderait très longtemps, la pisse suit la courbe complexe des dégradations positives. Elle garde avec elle quelque chose d'intimement humain. C'est peut-être même la seule chose humaine produite par la Grande Machinerie, et c'est pourquoi celle-ci a besoin de l'évacuer. Elle ne peut supporter ces résidus d'humanité.

Les cadavres ne pissent pas : perfection et sadisme post-mortem de la machinerie."

Ecrit par Kohva, le Lundi 10 Mars 2008, 03:23 dans la rubrique "".


Commentaires :

  Chloé
17-05-08
à 23:27

A., il est tard. Je pense à toi.