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Les larmes des chevaux

 

Tu es arrivé hier. Je voulais pas te voir. Pas comme ça, pas en débarquant au beau milieu de cette réunion de famille comme celles qu'on faisait si souvent avant. Pourtant tu en fais partie. Intrinsèquement. Je n'aurais même pas pu la concevoir sans toi il y a quelques années.

Tu fais comme si de rien n'était. C'est terrible de regarder ton visage, de le scruter en pensant le voir bouleversé en permanence - parce que ça aurait dû trop le ronger jusqu'à la corde, le bouffer jusqu'à la moelle - et finalement tu ris, tu regardes les autres en souriant, tu bois ton café en haussant les sourcils, tu rappelles ton chien quand il s'éloigne trop.

C'est une chienne, d'ailleurs.

Je me demande comment tu fais.

Hier, ça m'a surprise, je ne savais pas qu'ils t'avaient autorisé à revenir à Paris, apparemment ils n'ont plus peur que tu cherches à les revoir, ou je ne sais pas. Te voir débarquer comme ça. Bronzé. Alerte. T'es vieux pourtant. Tu vas peut-être bientôt mourir. On se demande juste où.

Mais je m'en fous, moi, de ce que t'as bien pu leur faire.

Je te jure. C'est pas grave.

Je t'aime beaucoup, après tout.

Quand j'étais petite, on allait chez toi tous les mois, t'avais une immense ferme avec des nids d'hirondelles sur les poutrelles. T'as dû la vendre après. C'est là-bas que ça a dû se passer, sûrement. J'espère que les hirondelles étaient loin à ce moment-là.

Ne pas penser à ça. Penser à toi, plutôt. Les bons trucs. Ton piano désaccordé. Tout autant que toi. Parce qu'il faut l'être, désaccordé, pour faire ce genre de choses. N'y pensons pas.

J'ai mis longtemps à l'apprendre, tu sais. Ils voulaient pas me le dire - ils avaient raison, je suis aveuglée par ma sensibilité, incapable de raisonner, ils savaient d'avance que j'allais être celle qui t'en voudrait le plus. Mais de bribes en brides, de conversations en conversations. Quelques mots, semés comme ça, des motspas vraiment jolis, qui me feraient même vomir si tu n'étais pas au milieu d'eux.

Et puis je devais témoigner au procès - de ton côté, évidemment. Parce qu'ils veulent tous te sauver, tu sais. Ils ont bon espoir; ça fait des années que ça s'est passé et le procès n'est toujours pas commencé; tu es vieux, tu décrépis, tu mourras dans ton lit un jour comme un autre, en bandant peut-être. J'en sais rien.

Je suis vulgaire mais toi t'es sale. Ca se tient. Pardon.

Au fait, j'ai refusé, pour le procès. Mais c'est pas contre toi, je te jure. Juste que je veux pulvériser tout ça, l'anihiler, alors autant commencer dès maintenant.

Hier, il a fallu te voir débarquer dans la maison en riant de ta voix un peu rauque, un peu sèche. Il a fallu te dire bonjour, t'embrasser sur tes deux jours en plastique velu. Pif pouf. Un baiser à gauche, un baiser à droite. Très vite, en retenant son souffle. En essayant de ne pas penser à elles.

Ca me regarde pas, ce que tu leur as fait à ces gamines. Ca me regarde pas.

T'es mon oncle après tout.

Juste, quand tu me regardes, je détourne la tête.

Ecrit par Kohva, le Dimanche 2 Mai 2004, 23:49 dans la rubrique "".
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