Puisqu’il
faut dire. A force d’être hantée la nuit, je commence à saturer. C’est que je
ne suis pas patiente, et que j'aime quand les choses sont vite évacuées (c'est mon côté efficace). Celle-là tarde, grince.
L’hôpital,
en juillet, n’a pas été une chose glorieuse, ni agréable. Il faut dire que je
ne me souviens pas de grand-chose, mais ce qui reste suffit à me dégoûter. J’ai
très peu de souvenirs visuels, même le blanc de la salle où je me suis
réveillée me paraît très obscur. Je ne voyais rien et j’avais l’impression
d’avoir perdu un sens.
[…]
Encore
coupure de la dizaine de paragraphes qui étaient sortis de leur boîte comme une
logorrhée lapine pour un mauvais magicien.
Je reprends.
La
sonde urinaire n’est pas agréable. Elle empêche de bouger dans le lit, parce
que ça fait mal quand on la tire un peu, on a l’impression qu’elle va
s’arracher et que le sexe va partir en lambeaux avec elle. Et on se sent
redevenir à l’état de larve à ne plus pouvoir pisser seul, c’est vrai mince,
j’ai été au pot à trois ans moi, comme tous les gosses.
La
sonde gastrique est humiliante.
La
perfusion est rassurante parce qu’elle donne le statut de vrai malade.
L’espère
d’intubation fait mal à la gorge, au premier réveil. Au deuxième vous ne l’avez
plus, le mal de gorge persiste. Arnaque.
Les
infirmières qui lavent, le matin, sont délicates et indélicates à la fois. Elle
vous empoignent sous les aisselles, parce que vous ne pouvez pas marcher,
encore moins tenir sous vos jambes. Elles ont le coup de main, cette manie de
vous trimballer jusqu’à la petite salle de bain avec tous vos tuyaux à merde, à
pisse, à je ne sais pas quoi translucide. Elles sont deux, une à votre droite
et l’autre à gauche, la première à l’air de compléter les phrases de l’autre,
façon Dupont Dupond. Elles vous parlent à la troisième personne du singulier,
avec ce joli "on" qui ne veut rien dire. Elles crient bien fort,
parce que dans votre demi-potage ambulant vous n’entendez qu’à peine ce qu’on
vous dit : "Alors on va écarter les jambes pour que nous puissions
laver!" Elles vous frottent le bras avec énergie, puis, quand elles
le relâchent, il tombe avec une espèce de mollesse répugnante le long de
votre corps. Elles vous remettent dans votre lit avec la même dextérité d’ange
gardien, replacent le masque à je ne sais pas quoi, disent à demain.
Les
sangles au lit, quand on se réveille, on ne les comprend même pas. Une
infirmière a glissé sa main dans la mienne, à un moment. Et je sentais à la
fois le tissu un peu dur de la sangle, et sa main toute fine. Ca c'était au tout début.
Au tout après, un médecin faisait visiter le service à je ne sais pas qui. Ils sont passés devant ma chambre, dont la porte était ouverte, puis l'inconnu numéro un s'est penché dans l'encadrement, a dit "Voilà, ça c'est une patiente qui a [...]", l'inconnu numéro deux a acquiescé et ils sont repartis.
Il
est venu me chercher, m’a fait sortir en fauteuil roulant. On a traversé le
long couloir, et dans la chaise à impotents qui cahotait vers la sortie, j'ai compris qu'il serait la seule personne à rester près de moi. Ca n'a pas manqué.